Lettre à Nauplie
J’aurais aimé participer avec vous à l’atelier consacré
« au théâtre, à l’art et à la littérature francophone ». En ces temps
troublés pour nombre de pays du pourtour de la méditerranée, une réflexion
autour du théâtre prend tout son sens. C’est en Grèce qu’est née la tragédie
pour aider l’homme à affronter le chaos et à poursuivre seul un chemin
incertain. Je suis heureux, et je vous en remercie, qu’à Nauplie des
professeurs et des étudiants examinent cette littérature francophone encore balbutiante.
A la vérité, le terme de francophone me dérange à cause des
sous-entendus et non-dits qu’il véhicule. Il n’y en a malheureusement pas
d’autre pour désigner toute cette production en langue française en marge de
l’hexagone. Pour moi, écrire en français relève de conditions historiques
indéniables ; je m’en suis accommodé et j’ai fini par écrire un français
qui sonne arabe sans pour autant déroger à la syntaxe ni à la prosodie de la
langue. Cela n’a pas été sans un travail acharné sur l’écriture.
Jeune lycéen, j’ai commencé par écrire du théâtre. La
tragédie grecque me fascinait, et quelle ne fut ma surprise en découvrant qu’un
Algérien utilisait déjà la technique dramaturgique d’Eschyle : Le Cercle des représailles de Kateb
Yacine me laissa pantois !
…
Mostaganem, ma ville natale est connue pour abriter le
premier festival de théâtre amateur du pays. Elle a donné naissance à Kaki Ould
Aberrahmane (1934-1995) que l’on peut considérer comme le père fondateur du
théâtre moderne algérien. Nous sommes nés dans le même quartier populaire de
Tigditt. A l’été 1964, je lui avais montré les pièces que j’écrivais à
l’époque, imitées de Camus, Beckett et Ionesco, l’ère était à l’absurde. Je le
revois me dire que mes pièces étaient trop bavardes et statiques. Que le
théâtre était mouvement et tension dramatique de situation par delà les mots.
Que le théâtre s’adresse à un public et qu’en Algérie il fallait lui parler en
arabe dialectal pour l’intéresser. Ce qui stoppa mon enthousiasme juvénile. Il
disait vrai et cela me fit réfléchir.
…
Ce n’est qu’en 1994, avec la complicité d’Alain Rais
(1932-2011), que je m’y remis. Nous travaillâmes ensemble à l’adaptation de mon
« roman » L’épreuve de l’arc,
jouée au théâtre de l’Essaïon, à Paris, puis en 2009 au montage de Traverser, joué au Lucernaire, à Paris.
Il me redonna le goût d’écrire pour le théâtre en m’initiant au métier de la
scène et en me faisant comprendre la distinction entre langue théâtrale et
parlers nationaux.
…
Aujourd’hui, j’ai plusieurs pièces en chantier et tente de
relever le défi !
Je souhaite plein succès à vos journées.
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